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Contexte mortuaire traditionnel chez les Bamileke

Une distinction de l’âme et du corps

Dans la conception traditionnelle Bamiléké, l’âme représentée par le souffle est considérée comme le principe de vie et de pensée de l’homme. C’est pourquoi, à la naissance, lorsque le nouveau-né pousse son premier cri, on utilise l’expression « Si ha juègne bi<->Dieu lui a donné le souffle » ce souffle symbolise à la fois la vie et l’âme qui l’accompagnera.

Cette notion d’âme joue un grand rôle dans la croyance religieuse. Avec le concept de vitalité, la mort devient moins mystérieuse. Cette présentation permet de revoir les éléments qui constituent cette notion d’âme. L’âme est donc le principe d’animation du corps, ce qui donne une définition fonctionnelle à ce corps. Il est cet ensemble matériel doté d’un principe de vie. Dès lors, la distinction de l’âme et du corps se pose comme une évidence, un fait indubitable, la source de toutes les fonctions corporelles et particulièrement de l’activité vitale.

1/ la construction sociale du corps et les représentations relatives à la mort.
Il ressort de cette illustration que la mort de l’homme correspond à une séparation du corps en deux. Le corps matériel représenté par la chair et sa charpente osseuse « Bap’ne » et le corps immatériel « Juègne » esprit ou âme. Les étapes qui suivront la période du deuil vont s’inscrire dans la logique de rendre hommage à ces deux éléments :
  • Une première étape qui consiste à pleurer et inhumer le corps mort, « Pfe – dépouille ».
  • Une deuxième étape plus complexe, consacrée aux rituels de « l’esprit – Juègne » en villégiature.
    • La croyance en cette deuxième étape de vénération du corps est une particularité locale. Toutefois, il convient de mentionner que toute personne n’a pas accès à cette deuxième étape, soumise à une catégorisation du corps du défunt.
  • la catégorisation du corps dans le contexte mortuaire.
    • Elle existe en trois étapes :
      • Une « mort mauvaise – Vù Tchùepön », qui s’accomplit lorsque la mort survient contrairement aux normes traditionnelles de temps (âge), de lieu et de manière. C’est celle que la conscience humaine réprouve (accident, suicide, etc.).
      • Une « bonne mort -Vù Pepön » ou « Vù Kodie – mort sur le lit». C’est celle qui est considéré comme bonne mort. Une disparition naturelle établie selon les normes de la tradition.
      • Le cas d’une personne âgée morte après avoir accompli sa mission sur terre : procréer, respecté et accompli les devoirs prescrits par la coutume. Elle aura droit à des funérailles grandioses, et aux rites de vénérations.
      Traduire une analyse du corps dans le monde de l’invisible n’est pas évident. Que se passe t-il quand une personne meurt ? Comment se préparent ses obsèques et ses funérailles chez les Bamiléké ?
2/ Le corps, de la mort à l’enterrement
Le phénomène de la mort est une des choses les plus importantes dans la société Bamiléké. De la mort à l’enterrement il y a tout un rituel à respecter. La première chose à faire est de prendre un coq pour aller demander au devin si la personne mérite d’avoir une sépulture. C’est le devoir du chef de famille.
a) les rituels du corps avant l’enterrement.
Dans le cas de la mort d’un adulte ou d’une vieille personne, des obsèques aux funérailles, ces deux sentiments antagonistes (joie et souffrance) se mêlent. Ce décès est considéré comme la fin d’une vie au vrai sens du terme, la conclusion d’une longue période de jouissance. Leur disparition est dite féconde, pour reprendre l’expression de l’ethnologue français Louis-Vincent Thomas selon laquelle: « … la disparition en Afrique noire fait partie de l’ordre des choses » A cette occasion, des funérailles complètes et régulières sont organisées. A travers les manifestations diverses. Le corps est célébré par des pleurs, des veillées, et autres rites. Ces rites sont de plus en plus perceptibles chez les femmes qui doivent toujours justifier de leur innocence.
b) Les rituels funéraires à travers les manifestations corporelles.
o Rites du veuvage
Dans la tradition Bamiléké, lorsqu’un homme meurt dans les conditions normales, ses femmes (s’il était polygame) doivent subir des épreuves. Il s’agit de justifier de son innocence par les rites corporels. A cette occasion, elles sont emmenées au « Kwö’op – rivière ». Dans la tenue d’Adam, elles rentrent alors successivement dans la rivière. Chacune des veuves place entre les jambes un morceau de bois ou une petite calebasse vide. Elles demeurent debout dans le sens du courant. Si l’objet est entraîné loin, la femme est justifiée. Dans le cas contraire, elle est sévèrement punie.
Dans le cas où c’est l’homme qui perd sa femme, les rites d’innocences ne sont pas nécessairement observés. Il n’est pas considéré comme responsable de sa mort, sauf s’il l’avoue. Quoiqu’il en soit, la période de deuil est toujours plus longue lorsqu’il s’agit d’une femme.
3/ Pratiques corporelles et rituels d’enterrement
D’une manière générale l’inhumation est un devoir envers les morts. Dans la société Bamiléké, c’est la phase importante du rituel funéraire. Elle est complexe et ressort quatre points : l’importance des rituels d’Inhumation du corps organisé chaque soir par les sociétés secrètes et les sociétés de danses. La toilette funèbre, le cercueil et l’espace d’inhumation.
4/ Pratiques corporelles et rituels après l’enterrement

a) La transformation du corps et la notion de Corps-Esprit

Cela dit, les conceptions mortuaires sont extrêmement complexes et variées. L’anthropologue africaniste Louis-Vincent Thomas a consacré toute son œuvre abondante à ce seul sujet. Selon lui, pour la majorité des africains, la mort ne semble pas constituer « La négation de la vie, mais plutôt une mutation. » Attachons-nous à l’évidence d’un monde particulier et complexe où le corps vénéré est invisible. Le corps en tant que matériel humain est confondu avec l’esprit invisible. Ce qui permet d’appréhender l’hypothèse d’un ensemble d’interaction dans cet espace social.

Dans la société traditionnelle Bamiléké, les morts ne sont pas vivants, certes, mais ils continuent d’exister sous la forme de forces spirituelles et sont en interaction avec les vivants.
Nous vivons dans une société qui ne considère pas qu’il existe une frontière entre les mondes visibles (vivants) et invisibles (Mtà). L’un comme l’autre participent du monde réel. Le monde des Dieux (Si), des « esprits – Juègne » et des « génies – Pi » est le corollaire du commun des mortels. Ce sont deux mondes distincts et concrets qui mettent en place une série de rapports entre défunts, vivants et ancêtres.
La vénération des morts
La mort devient un passage particulier, parce que le corps change à la fois d’état et de statut. De l’état corporel, il passe à l’état spirituel. La transformation qu’il subit correspond à une renaissance, d’où les différentes représentations, pratiques et vénérations inhabituelles. Comme le précise Wabo Souop : « Les ancêtres ont un pouvoir particulier. Ils peuvent agir sur les vivants, pour le bien-être de leurs descendants, ou encore pour les punir s’ils ne respectent pas les coutumes ou transgressent, dans leur vie quotidienne, les traditions et les interdits. C’est ce qui explique la crainte du « Ndö <-> malédiction ». » Pourtant, malgré ce passage au stade supérieur de la vie, la crainte de la mort ne disparaît pas chez les vivants. C’est la raison d’être du culte des ancêtres . En dehors de ces rites, la séparation entre le monde des vivants et celui des morts est nette : à chacun sa place. G.M SIMO dit à ce sujet : « Pour entrer en communication avec les esprits des ancêtres, on vient régulièrement dans les cases sacrées pour demander la bénédiction, faire des offrandes et rendre hommage. »
La vie ancestrale comme moyen social d’élévation du corps
Tout d’abord, l’accès au statut d’ancêtre est soumis à certaines conditions. Sont exclus tous ceux qui, de leur vivant, n’ont pas pu parvenir à un certain degré de sagesse. C’est le cas des fous (Mbwe), des adolescents non initiés, des célibataires, des personnes qui décèdent de mauvaise mort. Et, surtout, il faut que le défunt soit installé comme ancêtre dans le lignage, ce qui suppose qu’il ait laissé un héritier, et qu’il ait de son vivant remplit ses obligations traditionnelles au regard des rituels et autres us et coutumes. Ces conditions semblent effectivement être généralisables, nous nous y intéresserons de manière plus différenciée par la suite. Si ces conditions étant réunies, le décès ne permet pas à lui seul de parvenir à la qualité d’ancêtre (Mtà). L’accès au statut ancestral exige, en plus, une consécration, bien souvent ritualisée, que nous détaillons dans nos travaux de recherches .
Le processus de célébration du corps dans le contexte mortuaire traditionnel, revient à honorer le défunt. C’est un moyen de lui exprimer l’attachement qu’on lui portait de son vivant. Les différentes étapes qui constituent la matérialisation du corps correspondent au désir de se le concilier et, de se déculpabiliser à son endroit.
Les comportements des Bamiléké vis-à-vis de la mort semblent modifier de façon considérable les représentations du corps dans le contexte mortuaire. Par ailleurs, ces représentations participent activement à la reconnaissance du droit de légitimité du corps. Dans cette approche, ces représentations à travers les pratiques et les rituels spécifiques légitiment le temps qui permet à la famille du défunt d’exprimer son inquiétude, de verbaliser ses ressentis, de recréer dans un espace précis une nouvelle relation avec le disparu.
La construction d’un espace et d’un statut social pour le corps dans le contexte mortuaire interroge la place des défunts dans les représentations collectives. Pour le sociologue Jean-Didier Urbain, « Un mort sans lieu est un mort errant, un mort qui est nulle part et partout. » Le statut d’ancêtre et les rites qui leurs sont consacrés pose bien le problème de l’espace social des cases sacrées qui deviennent des espaces privés familiales. C’est donc toute la problématique de la société Bamiléké à travers le contexte mortuaire qui se détermine dans l’édification des pratiques et des rites d’exhumations. Et comme nous allons le montrer dans la suite, les rites mortuaires constituent des cérémonies pleines de symboles. A travers elles, les Bamiléké manifestent leurs façons de considérer l’autre existence.

Article rédigé par M. Raymond charlie Tamoufe Simo, le 27/09/2007

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